Recette de teinture à la racine d’igname du Vietnam
L’igname est une plante vivace cultivée dans les régions tropicales.
Son tubercule est utilisé pour l’alimentation, la médecine et la teinture.
Sauvegarder les cultures
A l’occasion du mois de l’environnement, Opportunity for Women publie chaque semaine un nouvel article sur son blog, afin de faire connaître la flore de la région tropicale de Dien Bien Phu, au Vietnam. C’est un écosystème fragile et pourtant bien vivant, qui regorge d’espèces végétales aussi esthétiques qu’utilitaires, lesquelles sont essentielles à l’équilibre de la biodiversité locale et riches en propriétés pour l’alimentation, la médecine et même la teinture végétale !
Les tisserandes de la coopérative de Dien Bien Phu sont aussi teinturières : elles collectent des plantes tinctoriales dans la forêt avoisinante ou bien les cultivent sur leurs terres, avant de les récolter pour en extraire le colorant.
Opportunity for Women, en soutenant le développement de l’activité des artisanes Lao par la programmation de formations professionnelles, les encourage aussi à garder une trace écrite de ce patrimoine immatériel, afin qu’il soit transmis aux plus jeunes. Passer par la rédaction permet non seulement de mieux se souvenir des différentes étapes à réaliser au cours du processus tinctorial, mais aussi d’améliorer les recettes au fur et à mesure des expérimentations.
Pour ce deuxième article de notre série “Les secrets des teintures végétales”, continuons notre voyage au Vietnam et partons pour la récolte des ignames en compagnie des tisserandes Lao ! Très prisée dans le delta du Mékong jusqu’au milieu du 19e siècle, la teinture à base de racine d’igname a été quelque peu oubliée jusqu’à aujourd'hui. A l’époque, l’igname pouvait aussi servir à tanner le cuir. Ainsi, les tisserandes de la coopérative de Dien Bien Phu, en association avec nos partenaires locaux, perpétuent ce savoir-faire ancien, en commençant par réimplanter la culture de l’igname au sein de la coopérative.
L’igname est une plante originaire d’Afrique dont la culture s’est diffusée sur tous les continents, depuis l’Amérique du Sud vers l’Asie du Sud-Est. C’est une plante dont le tubercule, sa réserve nutritive située sur la racine, sert autant à cuisiner de délicieuses recettes qu’à guérir les maladies. Sa forme allongée rappelle la patate douce ou le topinambour. Sa texture, en revanche, est presque aussi rugueuse et noueuse qu’une écorce d’arbre. D’une espèces à l’autre, son aspect extérieur peut varier, allant du blanc au noir, en passant par le jaune et le brun. Sa chair, quant à elle, est blanche ou jaunâtre. Certains ignames peuvent mesurer jusqu’à 60 cm et peser jusqu’à cinq kilos !
L’igname est une plante très intéressante pour la teinture végétale, car elle contient de nombreux tanins, une substance colorée et colorante contenue dans les végétaux. Après avoir transformé le tubercule en pulpe, il suffit de le diluer dans un peu d’eau pour en extraire le colorant. Ce dernier permet de teindre les fibres végétales, comme le coton que cultivent et tissent les tisserandes, dans des tons proches de l'ocre jaune. L’avantage c’est que, comme toutes les plantes tinctoriales, l’igname est biodégradable et ne laisse aucune empreinte environnementale.
Pom récolte un igname.
Son tubercule, enfoui sous terre, est semblable à la patate douce et au topinambour.
Carnet de teinture
Liste des ingrédients :
- des tubercules d’ignames
- du bicarbonate de soude
Le saviez-vous ?
Le bicarbonate de soude est connu depuis l’Antiquité ! Les Égyptiens l’utilisaient déjà comme savon et ingrédient servant à fabriquer des pommades. Au 18e siècle, c’est le chimiste Français Leblanc qui est le premier à élaborer le bicarbonate de soude tel qu’on le connaît aujourd’hui. Puis, en 1863, le Belge Solvay invente un nouveau procédé, lequel est encore largement employé en europe aujourd’hui; celui-ci résultant de l’association de deux matières minérales naturelles : le sel gemme et le calcaire. C’est ce bicarbonate de soude là qu’utilisent les teinturières vietnamiennes, car il est à la fois économique, biodégradable et inoffensif.
Découpe grossière de l'igname pour faciliter les étapes suivantes.
Processus tinctorial
Pour plus d'informations sur le lavage et le mordançage des fibres végétales avant teinture, voir le premier article de notre série “Les secrets des teintures végétales”.
- Étape 1 (de gauche à droite) | Vi Thi Tich prépare les échevaux de fils de coton qui seront plongés dans le bain de teinture, pendant que Pom et Giot coupent les ignames en morceaux.
- Étape 2 | Giot rape le tubercule, de manière à le transformer en fine pulpe.
- Étape 3 | Les tisserandes se relaient : pendant que l’une prépare la matière colorante, les autres préparent l’étoffe à teindre en la faisant bouillir avec de la lessive de cendres, afin d’en extraire les impuretés. Le textile est ensuite rincé à l’eau claire.
- Étape 4 | Dans une bassine, la pulpe est recouverte d’eau et mixée complètement, puis on laisse cette mixture reposer toute une nuit.
- Étape 5 | Le lendemain, les teinturières extraient le colorant en pressant et en filtrant la pulpe de racine d’igname.
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Étape 6 | Le jus obtenu, auquel on ajoute le bicarbonate de soude, est placé dans un récipient. Pour teindre cet écheveau de fils de coton, il convient alors de tremper celui-ci dans le bain de teinture, dont la température est élevée progressivement jusqu’à atteindre 60°C après 45 minutes d’ébullition.
La teinture peut aussi s’effectuer à froid. Dans ce cas, on met le textile à tremper dans le bain de teinture pendant une durée allant de une heure à une nuit, selon la teinte désirée.
- Étape 7 | Les petites mains rincent délicatement les textiles teints à l’eau claire. Enfin, ils sont étendus sur une corde à linge pour sécher, à l’abri de la lumière du soleil.
À noter :
On peut réutiliser un même bain de teinture plusieurs fois !
En effet, une fois le processus de teinture achevé, le bain peut se conserver encore quelques jours et l’on peut s’en servir pour teindre à nouveau les étoffes colorées la veille, afin d’obtenir des nuances plus profondes. Cette astuce a pour avantage d'économiser les ressources naturelles (eau, végétaux) et d’être en cohérence avec notre démarche éco-responsable.
Encourager la formation professionnelle
Cette formation en teinture naturelle a été donnée aux tisserandes par la Vietnamienne Thao Vu, designer de mode et spécialiste en teinture naturelle. Pour découvrir sa marque de “slow fashion” Kilomet109, c’est par là !
Les tisserandes de la coopérative de Dien Bien Phu ont pu être formées grâce au financement de cette formation par la fondation Agir sa Vie, ainsi qu’à vos dons à notre association.
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